La relance, c’est pour maintenant !

Karine Roy-Camille dirige depuis 2010 le Comité Martiniquais du Tourisme (CMT). Après une première saison marquée par la déliquescence du tourisme de croisière, il semblerait que les nombreuses actions menées par le CMT et l’ensemble des socio-professionnels du secteur portent enfin leurs fruits. Entretien.

KARINE ROY-CAMILLE

Quels sont les principaux enseignements que l’on peut tirer des chiffres de l’année 2011 ?

En 2011, on a pu noter que l’hémorragie s’était enfin arrêtée. C’était l’objectif prioritaire lors de ma prise de fonction en 2010, alors que tous les chiffres étaient alors à la baisse. Ceux de la croisière sont toutefois encore à la baisse, car il s’agit en fait d’une répercussion de la crise de 2009. En effet, les programmations pour 2010 étaient déjà arrêtées en 2009 donc la répercussion ne s’est pas fait sentir. Par contre, il y a eu beaucoup de “déprogrammations” pour l’année 2011. La croisière est donc le seul secteur qui a subi une baisse conséquente l’année dernière.

 

Et quelles sont les prévisions pour 2012 ?

Pour l’année 2012, nous aurons des retombées extrêmement conséquentes sur la croisière puisque, à la suite d’actions de lobbying très importantes que nous avons mises en place auprès des compagnies de croisière, nous assistons au retour de la compagnie Costa et  à l’arrivée de la compagnie MSC. Notre objectif est aussi de faire en sorte que nous ayons un bateau en tête de ligne à la Martinique (départ d’une croisière depuis Fort-de-France, ndlr): la compagnie MSC a accepté. Cela signifie pour la Martinique, certes de pouvoir accueillir des touristes, mais également de faire travailler toute une chaîne de l’économie locale.

 

Quelles îles du bassin caribéen concurrencent en premier lieu la destination Martinique ?

Très clairement, sur la croisière et auprès des compagnies françaises et européennes, la Guadeloupe a aujourd’hui une belle expérience notamment avec la compagnie Costa. Ils ont pu construire les infrastructures nécessaires et doubler  leurs surfaces d’accueil.

Lorsque les bateaux ont quitté la Martinique, ils ne sont pas allés bien loin : au nord, à la  Dominique, au sud, à Sainte-Lucie. Ce sont donc nos voisins les plus proches qui représentent le plus grand danger pour nous. Ceci dit, la donne est en train de changer. Il n’y pas si longtemps la priorité des compagnies était de faire du chiffre, de vendre le maximum d’excursions, aujourd’hui, le public de croisiéristes est différent, il a envie de découvrir chaque destination de façon indépendante. En 2011, la Martinique a été nommée l’île la plus “safe” (la plus sûre, ndlr) de tout le bassin caribéen. Actuellement, c’est un argument qu’entendent les compagnies. Or il existe un certain nombre d’îles de la Caraïbe où cela peut poser des problèmes… La Martinique est donc regardée différemment par les compagnies.

 

Mais le touriste qui souhaite découvrir par lui-même la Martinique le temps d’une escale, on lui propose quoi concrètement ?

Nous avons lancé au mois de janvier dernier une Commission “Croisière”, dans laquelle nous avons réuni tous les acteurs qui touchent à ce domaine, et notamment les artisans -taxis qui ont un rôle déterminant dans le devenir de la croisière et dans le succès des escales. Nous travaillons aussi à l’élaboration d’un livret à remettre aux clients des artisans-taxis. Il s’intitulera “A perfect day in Martinique with your private taxi driver” (Une journée parfaite avec votre chauffeur privé, ndlr). Nous avons ainsi répertorié une dizaine d’excursions que proposeront les artisans-taxis. C’est rassurant pour les touristes de savoir que les choses sont orchestrées et encadrées.

 

Qu’est-ce que les autres îles peuvent nous apporter en terme d’expérience touristique ?

Je tiens avant tout à souligner quelque chose de fondamental à mes yeux, dans de nombreuses îles de la Caraïbe, les gros projets hôteliers n’appartiennent pas à la population autochtone. Les populations ne sont plus propriétaires de leur patrimoine foncier, littoral notamment.

Chez nous c’est quelque chose heureusement qui n’arrivera pas, même si l’on passe des partenariats public-privé et que l’on cherche des investisseurs étrangers pour réaliser des projets…

Je vais également vous parler de la CTO puisque la Martinique est membre de la Caribean Tourism Organisation et que je suis membre de son Conseil d’Administration, ce qui constitue véritablement un grand plus que de me retrouver parmi 32 îles ou pays de la zone. Nous pouvons échanger sur nos expériences, sur ce qui marche et ce qui ne marche pas… C’est fondamental parce que même si nous ne fonctionnons pas tous de la même façon, nous avons tous le même besoin : faire venir des touristes.

On ne travaille pas sur les mêmes marchés, par contre, on convoite des marchés que les autres ont déjà. Parmi les dossiers que je porte à la CTO, il y a notamment : le désenclavement aérien régional, la multidestination et  le développement du tourisme régional. Nos amis caribéens veulent récupérer la clientèle française et européenne et passent des partenariats avec des compagnies françaises. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose en nouant des partenariats avec compagnies étrangères qui acheminent des passagers vers la Barbade ou Sainte-Lucie ? Pourquoi nous ne pourrions pas récupérer cette clientèle ? La multidestination est un très gros volet à développer.

 

Quels retours sur les campagnes “J’M Martinique” et “Bâtisseurs de Paradis” avez-vous pu constater ?

Ce sont deux campagnes différentes. Sur le volet extérieur de notre communication, le concept “J’M” a beaucoup accroché, les gens ont bien mémorisé. D’ailleurs aujourd’hui, on le décline : J’aime ma yole, J’M ma Transat, etc. Nous l’avons reconduite en 2011 et nous la reconduirons également pour l’hiver 2012 en la déclinant sur d’autres formats, notamment sur le web.

D’ailleurs, nous allons créer un vrai site portail en 2013 pour offrir à la destination le site qu’elle mérite. Ce sera un site qui mettra en avant tous les secteurs de la Martinique, pas uniquement le tourisme, et les hôteliers y auront toute leur place. Pour la campagne, “Bâtisseurs de Paradis”, il était très important de nous préparer au niveau local. Il nous fallait, parallèlement à la campagne extérieure, communiquer vers un très large public, vers la population de façon générale. Pour quelle raison ? Pour faire comprendre que le tourisme est une activité phare pour la Martinique, comprendre  le rôle et les enjeux du tourisme…

 

Mais finalement, a-ton vraiment besoin du tourisme pour développer l’économie de la Martinique ?

C’est une question que beaucoup de Martiniquais se posaient et c’est aussi pour cette raison que nous avons un rôle pédagogique très important.

 

Pourquoi faire du tourisme alors qu’aujourd’hui, cela n’apparait pas comme une nécessité ?

Très clairement, depuis 2010, nous avons dit au plus haut niveau politique en Martinique que le tourisme est un axe majeur de développement économique. Mais au-delà des mots, il faut l’expliquer, il faut le quantifier.
Quand on  parle du nombre de touristes, du nombre d’emplois générés, ça parle et  ce qui nous intéresse avant tout, c’est de générer de l’emploi.  Elle est là notre  priorité.

Qu’est-ce qui peut créer de l’emploi en Martinique? L’État se désengage, l’Europe a de moins en moins de moyens. Si on redémarre au niveau touristique, on entraînera le BTP, les services, l’agriculture, la pêche, etc.